Compte-rendu de la rencontre organisée par le collectif communiste polex, le 09-02-2009 à Paris.

Avec le camarade Bassirou Diarra (U.S.R.D.A. Mali), négociateur pour le Mali des accords migratoires avec la France.

Salle plus que pleine, débat ouvert, animé et riche ; transcription réalisée par le collectif.

1 Question Polex : Pourquoi le Mali est-il le seul pays d' Afrique« francophone » à n' avoir pas signé les accords avec le gouvernement français ?

Bassirou Diarra : Les négociations actuelles avec le gouvernement français ont été engagées en décembre 2006. En fait, il existait déjà avant cette date une structure de négociations sur toutes les questions liées au phénomène migratoire, sous le sigle de « commission franco-malienne de gestion des flux migratoires ». J' en étais déjà co-président avec un Français pour la partie malienne. Elle se réunissait deux fois par an, en alternance à Paris et Bamako. On y parlait circulation des personnes et visas, intégration des Maliens qui sont en France, des foyers, des enfants et des deuxièmes et troisièmes générations, et aussi de co-développement, c' est-à-dire l' accompagnement des migrants revenus au pays. Et aussi, depuis 2008, un comité technique sur les jeunes Maliens nés en France, porteur d' une double culture. Dans ce cadre, nous avons conclu des accords sur certaines questions, et constaté des désaccords sur d' autres. En décembre 2006, la question des « accords de réadmission » s' est posée : la France demandait au Mali de réadmettre ses ressortissants en situation irrégulière en France. Il faut dire que, préalablement, les pays africains avaient signé avec la France les accords multilatéraux de Lomé et de Cotonou, qui prévoyaient ce principe de la « réadmission ». Le Mali n'a pas voulu s' inscrire dans cette logique de la réadmission automatique. En décembre 2006, la ministre française de la Coopération est venue négocier notre signature à Bamako, et est repartie très fâchée de notre refus. Brice Hortefeux, ministre de Sarkozy a remis ça sur le tapis, demandant notre approbation d' un accord « concerté » de gestion des flux migratoires. Ce projet d' accord contient bien des choses. Je n' en cite que trois qui ont fait l' objet de blocages : le premier concerne « l' émigration choisie » chère à Sarkozy ; ils avaient fixé à 1000 par an le nombre de primo migrants que la France pourrait accueillir chaque année. Le Mali, en contrepartie, devait accepter sur son territoire tous les Maliens en situation irrégulière en France. Le troisième point de désaccord portait sur les projets de développement financés par la France au Mali dans le cadre de cet accord. Au cours des quatre séances de négociations, nous avons posé en préalable la régularisation des Maliens sans papiers vivant et travaillant en France. Nous ne pouvons pas expliquer à nos concitoyens que la France s' engageait à accueillir tous les ans 1 000 travailleurs maliens, alors qu' il y avait 20 à 22 000 Maliens en situation irrégulière en France, promis à l' expulsion. Pour nous, on pourra discuter de « l' immigration choisie » si le problème des 20 000 sans papiers est d' abord réglé. On nous a d' abord dit : « Non. Le président Sarkozy est opposé à toute régulation massive ». Quand nos partenaires français ont compris notre détermination, ils ont fait un semblant d' ouverture, et proposé d' accepter ces régularisations sans le dire officiellement dans l' accord, sous forme de lettre à notre gouvernement. Alors nous avons dit : le Mali est d' accord, mais fera la même chose pour la « réadmission » des expulsés, par échange de lettres, et non dans un accord paraphé officiellement. Les représentants de la France ont alors refusé, disant que rien ne serait possible tant que le Mali ne signait pas l' accord officiel de réadmission. C' est sur ce constat d' échec que nous nous sommes quittés en octobre 2008, sans envisager de nouvelle rencontre pour l' instant. Le Mali ne pouvait en aucun cas accepter cet « accord de réadmission » qui aurait signifié d' abandonner la défense de nos compatriotes en France : la plupart d' entre eux travaillent, et aident leurs familles au Mali grâce à leur travail. Hortefeux, pour nous appâter, a même promis, si accord il y avait, un quota de 1 500 primo-migrants annuels en France. Nous avons dit : « D' accord, mais à condition de régulariser ceux qui sont déjà en France », en s' appuyant sur la circulaire signée par Hortefeux à la suite des actions menées par les travailleurs migrants avec la CGT : elle prévoyait la régularisation de ceux qui avaient un travail régulier et ne créaient pas de trouble à l'ordre public. Hortefeux, avant de quitter son ministère, en décembre 2008, est venu à Bamako avec de nouvelles promesses, et est reparti bredouille, parce qu' il exigeait toujours la signature préalable de « l' accord de réadmission ». Nous avions proposé la régularisation de 5 000 compatriotes par an, ce qui aurait permis de régler l' essentiel du problème des sans papiers relevant de la circulaire de 2008 en deux ou trois ans. A l' énoncé de ce chiffre, les négociateurs français ont sauté au plafond, et les négociations ont été interrompues. Hortefeux devait venir signer l' accord le samedi à Bamako, il n'a plus fait le voyage. A un moment donné, les représentants de la France me mettaient personnellement en cause dans l' échec des négociations, et ont cherché à m' opposer au ministre des Maliens de l' extérieur. Mais le ministre n' est que l' exécutant de la politique décidée par le chef de l' Etat, le président A.T.Toure, qui a été très clair dans son soutien aux positions que j' avais prises. Hortefeux n'a pu obtenir notre signature, nous attendons de pied ferme son successeur Eric Besson : nous verrons ce qu' il a à proposer.

Il est vrai que huit pays africains ont signé ce type d' accords bilatéraux avec la France : leur situation sur le sujet n' est pas la même que celle du Mali. Certains, le Congo, le Togo, le Bénin, le Cameroun, n' ont aucun problème majeur sur ce plan avec la France. Ainsi, le Burkina a 4 000 ressortissants en France, alors que les Maliens d' origine sont estimés à près de 100 000 ! Le seul pays qui ait une situation similaire est le Sénégal, et il a signé l' accord Depuis, face à la résistance du Mali, le Sénégal a réfléchi, relu les documents : il cherche aujourd'hui à négocier un avenant au traité bilatéral qu' il a signé.

Et je tiens à dire que les différentes luttes menées en France nous ont beaucoup aidé.

2 Question Polex : Les migrations favorisent-elles le développement ?

Bassirou Diarra : Il faut savoir que les migrants maliens en France envoient au pays 280 millions d' euros, alors que l' aide publique de la France au développement du Mali est de 50 à 100 millions d' euros par an.

De 1960 à 1968, le régime à orientation sociale du président Modibo Keita avait mis l' accent sur l' industrialisation du pays, soutenu fortement en cela par les pays amis, URSS et autres pays socialistes. Le résultat de l' industrialisation durant ces huit ans a été supérieur à celui des vingt-trois ans de régime militaire qui ont suivi. Aujourd'hui encore, nous avons de très bonnes relations avec Cuba (115 médecins cubains au Mali) et avec la Chine ou le Vietnam, avec lequel je m' occupe d' un projet de culture du riz, dans ma région. L' initiative est partie de l' ancien maire de Montreuil, J-P Brard, qui a fait se rencontrer responsables vietnamiens et maliens sur cet objectif, appuyé sur les migrants en France, et le soutien de la FAO. Le projet n' en est qu' au début. Nous avons deux récoltes de riz par an dans la zone humide « Office du Niger », et une seule au sud, plus sec durant l' hivernage (saison des pluies, de juin à octobre). Le Mali, dont 80% de la population est rurale, doit d' abord développer son agriculture, grâce à des expériences de ce genre. Il a des possibilités, grâce aux grands fleuves qui le traversent, Sénégal et Niger. Il ne manque que les investissements de départ. Dans la zone de l' « Office du Niger », on pourrait irriguer jusqu'à un million d' hectares. Aujourd'hui, on en est à 100 000 hectares seulement ! On importe énormément de riz pour l' instant., au moins 40% de la consommation.
Les possibilités en matière industrielles existent aussi. Le Mali est le troisième producteur d' or en Afrique, après l' Afrique du Sud et le Ghana. Mais l' exploitation de cet or bénéficie surtout aux grandes compagnies minières qui l' exploitent, canadiennes, sud-africaines, américaines. A peine 20% du rapport de cet or reste au Mali. Notre pays fait partie des premiers producteurs de coton. Comme pour l' or, ce n' est pas le Mali qui en fixe le prix ; dans le cadre de l' OMC, USA et Europe subventionne leur coton, alors que nous n' avons pas les moyens d' en faire autant, et de concurrencer la production occidentale.

3 Question (de participants) : N' est-il pas possible aux pays africains de se créer des marges de manœuvre vis-à-vis des organismes internationaux, par la coopération entre pays du sud, à l' image de ce qui se fait en Amérique Latine ? Le gouvernement malien ne pourrait-il nationaliser le rail, les mines d' or, etc.

Bassirou Diarra : Ce n' est pas pour demain, dans le contexte international actuel. A l' époque du président Modibo Keita, les Russes nous avaient aidé à détecter les ressources minières, comme l' or Modibo avait alors décidé que l' or ou l' uranium maliens seraient exploités par les Maliens. après la chute du régime militaire en 1991, on nous a dit : « on ne peut laisser dormir ces ressources que nous n' avons pas les moyens d' exploiter nous-mêmes. Il faut donc accepter de les laisser exploiter par des capitaux étrangers, pour en tirer quelques bénéfices ». Il est exact, comme certains l' ont dit, que les conséquences sur l' environnement sont parfois déplorables. Dans les mines d' or, des douaniers sont là pour essayer d' empêcher l' exportation clandestine, et les accords actuels, compte tenu de l' expérience, contraignent les exploitants à sauvegarder l' environnement
La privatisation du rail aboutit aujourd'hui à l' abandon progressif par la société exploitante franco-canadienne du transport de voyageurs. Ils veulent maintenir le fret, qui rapporte, et demandent à l' Etat malien de financer le trafic voyageur, ce qu' il est obligé de faire. Le Mali a signé avec l' Inde des accords portant sur la fourniture de wagons, de locomotives, pour pérenniser le service aux voyageurs. La volonté du Mali est de diversifier au maximum les liens de coopération. Pour l' instant., C' est difficile avec les pays anciennement socialistes d'Europe, où la situation n' est pas très claire. Par contre, nous avons des relations de plus en plus actives avec la Chine, le Vietnam, etc.

4 Francis Arzalier, collectif Polex : Je voudrais apporter un regard de militant français. Le Mali connaît de multiples problèmes, et est souvent défini comme l' un des pays les plus pauvres du monde, ce qui est un peu réducteur. Il faut plutôt parler de son sous-développement économique, héritage des siècles précédents. Absence à peu près totale d' industries de transformation, malgré ce qu 'avaient rêvé les pères de l' indépendance en 1960 : l'autosuffisance alimentaire et industrielle. Le Mali est encore de ces pays africains où on trouve sur les marchés quelques très beaux tissus fabriqués sur place, mais surtout d' autres., plus courants, venus des usines occidentales. Et des produits de base, comme les bassines dans lesquelles on porte le mil ou d' autres. nourritures, sur la tête, sont aussi importées de pays lointains comme la Chine, alors même que des milliers de calebasses parsèment les champs. Le Mali est encore aujourd'hui, malgré toutes les richesses de son sous-sol ou de son sol, un producteur de matières premières qu' il ne transforme pas, et un acheteur de produits de consommation agricoles et industriels. Il faudra bien sortir de cela un jour !
Le sous-développement entraîne un chômage énorme, et, par voie de conséquence, l' émigration Car la majorité des Maliens ne rêvent pas de quitter leur pays pour passer leurs jours sous la pluie glacée d'Ile de France : encore faudrait-il trouver sur place les moyens de vivre convenablement. On parle souvent du droit au déplacement d' un pays à l' autre comme d' un des droits de l' homme, à juste titre. Encore faut-il ajouter que ce droit de l' homme, pour être complet et réel, doit s' accompagner pour chacun du droit de vivre de son travail, là où il a envie de faire sa vie. Ce qui est à la base aujourd'hui des flux migratoires, ce n' est pas pour la majorité un désir d' exotisme, mais la nécessité. S' il n' y a pas, tôt ou tard, une inversion de l' inégalité internationale actuelle, un développement économique, agricole et industriel de pays comme le Mali, tel que l' avaient rêvé les promoteurs de l' indépendance, le monde va droit dans le mur.
En attendant, il faut savoir que le SMIG mensuel au Mali, pour la minorité qui a un travail salarié, est de 29 000 francs CFA, soit l' équivalent d' un peu moins de 45 euros. Et les cadres maliens salariés d' entreprise n' atteignent pas l' équivalent de 200 euros mensuels. Je vous laisse imaginer les frustrations que cela peut créer chez des gens formés, qui savent que leurs capacités, dans un pays occidental, seraient rétribuées tout autrement. C' est là-dessus que jouent Sarkozy, Hortefeux et l' ensemble des dirigeants occidentaux quand ils font miroiter « l' immigration choisie ». Elle consiste à aspirer les plus qualifiés des cadres africains, sans avoir eu à financer leur formation, déjà payée par leur pays d' origine, qu' on prive ainsi de leurs compétences.

5 Question Polex : Situation politique, économique et sociale au Mali ?

Bassirou Diarra : La lutte contre la colonisation a été animée par l' Union Soudanaise - Rassemblement Démocratique Africain (Union Soudanaise- RDA). C' est ce parti qui a dirigé le pays après l' indépendance en 1960, sur la base d' orientations socialistes, jusqu'au coup d' Etat militaire de 1968, et le régime militaire a servi jusqu' en 1991. Durant cette longue période, pourchassés, emprisonnés, exilés, les militants ont continué la lutte, clandestinement à l' intérieur, et à l' extérieur, grâce au Front Démocratique des Patriotes Maliens. C' est la conjonction de ces deux forces qui a abouti à la création du Front National Démocratique et Populaire, regroupant les partis clandestins. Le régime militaire n' avait que trop duré, grâce à la division idéologique entre militants : ainsi les communistes qui s' opposaient entre pro-soviétiques, pro-chinois et pro-albanais, et cela durant vingt ans. Ce n' est qu' après la création du Front national Démocratique et Populaire en 1989, que l' insurrection populaire a pu s' organiser et aboutir au renversement du régime militaire, le 26 mars 1991, après un véritable bain de sang, environ 300 morts, notamment parmi les jeunes et des femmes, qui étaient montés vers le palais de Koulouba pour arrêter le chef de l' Etat militaire, Moussa Traoré.
Le 26 mars 1991, un groupe d' officiers patriotes a décidé de mettre fin à la dictature militaire et au carnage, en arrêtant le chef de l' Etat En union avec les partis du Front, ils ont mis en place une transition démocratique, avec une nouvelle constitution, les libertés d' expression et politiques, approuvées par référendum, et un président élu, Alpha Oumar Konaré. Comme le prévoit la constitution, Konaré a été président durant deux mandats de cinq ans, et a été remplacé par le président actuel Amadou Toumane Touré (ATT), qui accomplit aujourd'hui son deuxième mandat électif. Il avait dirigé la transition de 91, et n' est lié à aucun parti. Il n' est pas rééligible en 2012.
A la faveur de la démocratisation, le Mali compte aujourd'hui 117 partis politiques. Certains, évidemment, ne regroupent que quatre ou cinq personnes. Une soixantaine sont de véritables partis, et une trentaine ont rempli les critères pour prétendre à un financement public, à l' occasion des prochaines élections communales d' avril 2009. Malheureusement, les débats idéologiques du passé n' existent plus, et les partis ne se manifestent qu 'à la veille des élections. C' est pourquoi il n' y a guère d' opposition partisane au Mali, tout le monde est ou veut être au gouvernement. Pour le deuxième mandat du président ATT, qui se déclare indépendant, 44 partis politiques se sont alignés derrière lui pour le soutenir, et il a été réélu au premier tour. Seuls deux partis se sont déclarés d' opposition, le Parena et le Rassemblement pour le Mali. Tous les autres sont plus ou moins représentés au gouvernement.

6 Question J-P Le Marec : Le Mali a accepté un centre de l' Union Européenne pour les migrations à Bamako. N'a-t-il pas les mêmes objectifs que le gouvernement français ? Qu'en est-il des Maliens qui luttent contre la privatisation du rail, cédé à une entreprise canadienne ? Il existe donc des contradictions dans ce gouvernement malien, qui résiste quant aux migrations, mais cède quant aux privatisations ?

Bassirou Diarra : Ce ne sont pas les seules contradictions au Mali. Elles ne pourraient être brisées que par un combat politique et idéologique qui est bien insuffisant. Ainsi, face à la privatisation du chemin de fer, nous avons été impuissants. Elle était l' une des exigences de la Banque mondiale. Quand on connaît les liens de notre pays avec la Banque mondiale et le FMI, il y a très peu de marge de manœuvre. Résultat, sur certaines questions, on n'a pas les moyens de résister.
Quant au centre financé par l' Union Européenne qui vient d' être crée, mon opinion personnelle est qu' il n'a aucun intérêt, puisque son rôle est d' informer les candidats à l' émigration.
Nous avons regretté que le Mali se retrouve seul face à la France dans ce débat, et d' être de ce fait, obligés d' assumer nos responsabilités isolément. Il est vrai que certains pays africains s' arrogent le droit d' expulser les migrants de chez eux, la Libye par exemple.

7 Question Jean Lévy : Existe-il au Mali des problèmes ethniques, qui correspondraient à des partis politiques ?

Bassirou Diarra : Le Mali a la chance de ne pas connaître de problèmes ethniques. La constitution d' ailleurs, interdit la formation d' un parti sur la base de la religion ou de l' ethnie. Le seul problème de cet ordre qu 'a le Mali se pose avec nos compatriotes du nord (Sahara), en pays touareg. Ces difficultés remontent à l' époque coloniale. A un moment donné, dans les années 60, les autorités coloniales françaises ont tenté d' organiser, en entité autonome à leur profit, les Touaregs qui sont présents sur trois pays : Sahara malien, nigérien et algérien (cela parce que l' accession des pays africains à l' indépendance menaçait la main mise française sur le pétrole du Sahara, et les essais nucléaires dans le désert). Certains Touaregs en ont gardé la nostalgie. après plusieurs soubresauts depuis les années 60, les groupes armés actuels sont limités, mais actifs : il faut à chaque fois régler par la négociation et éventuellement la répression. Il est vrai que ces régions désertiques sont certainement pourvues de richesses minérales encore inexploitées.

8 Question d' une participante : Pourquoi le gouvernement malien n' interdit-il pas l' excision, qui amène beaucoup de femmes à émigrer avec leurs enfants ?

Bassirou Diarra : Le gouvernement malien lutte contre l' excision Il a ainsi, hier ou avant-hier, organisé des opérations de sensibilisation sur cette question, dans tout le pays. Mais ce phénomène est profondément inscrit dans les mentalités, d' ordre culturel, et non religieux, pas plus islamique que catholique. Le combat passe donc par la sensibilisation des parents, des femmes, ce qui se fait. Nous n' avons pas fait de loi à ce sujet, parce que la loi ne règle pas une croyance qui est dans la tête des gens. Les pays qui l' ont fait, comme le Sénégal, n' ont rien réglé, l' excision continue à être pratiquée dans des conditions dramatiques. L' excision en tant que cause d' émigration doit être un phénomène marginal, et sert parfois de prétexte (à obtenir un droit d' asile en occident).

9 Une intervenante malienne dans la salle : Le combat contre l' excision au Mali est organisé dans le pays par une commission surtout féminine, et qui comprend des médecins à Bamako. Awa Keita, maintenant décédée, a mené cette lutte dès les années 60 au Mali. On ne règle pas ce problème en se posant en donneur de leçons. Cela ne peut marquer des points qu 'à partir des femmes maliennes, par un travail de conviction dans les quartiers, comme cela s' est fait avec succès à Ségou : tous les quinze jours, on réunit les femmes du village et on parle de l' excision, on informe sur ses conséquences néfastes.

Bassirou Diarra : Je suis bien placé pour le savoir. Cette lutte se mène au Mali, et est une priorité assignée au ministère de la femme et de la famille.

10 Francis Arzalier (Polex) : Il ne faut pas oublier, quand on parle de la possibilité, pour un Etat africain de prendre telle ou telle décision de rupture, que dans le Mali ou les pays voisins, l' économie est majoritairement informelle : les rues sont pleines de gens qui vendent, qui réparent, mais ces activités ne produisent aucun produit fiscal, aucune recette pour l' Etat et les collectivités locales. Le budget d' un Etat africain peuplé d' une dizaine de millions d' habitants ne dépasse pas celui d' une ville de banlieue parisienne. Beaucoup de touristes occidentaux en Afrique s' étonnent des tas d' ordures en pleine ville, et l' attribuent parfois au laisser-aller des habitants, sans réfléchir au fait qu' aucune municipalité africaine ne peut financer un service de voirie et de nettoyage à l' occidentale.

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